You are currently viewing Les femmes artistes dans l’art urbain

Il y a quelques jours nous célébrions la journée internationale pour l’égalité des droits des femmes. Un bon moment pour aborder la question de la situation des femmes artistes dans l’art urbain.

1. La question du genre dans l’art

En 1985 à New York, un groupe de femmes artistes fondent le collectif Guerrilla Girls afin de dénoncer les discriminations de races et de genres dans le monde de l’art grâce à l’affichage illégal en rue.

Guerilla Girls, Est-ce que  les femmes doivent être nues pour entrer au Metropolitan Museum ?, 1989

Cette affiche de 1989 désormais célèbre pointe l’ambivalence de la représentation des genres dans le monde de l’art. Reprenant La Grande Odalisque (1814) de Jean-Auguste-Dominique Ingres affublée du masque qu’elles portent de leurs performances, les Guerrilla Girls posent la question suivante : “Est-ce que les femmes doivent être nues pour entrer au Metropolitan Museum ?”. La réponse affiche un triste bilan puisque“Moins de 4% des artistes exposés sont des femmes mais 76% des nus sont féminins”.

En utilisant la rue comme lieu d’exposition de leurs œuvres, les femmes artistes se saisissent de l’opportunité que représente l’art urbain de passer des organismes de médiation afin d’atteindre directement le public. C’est une stratégie qui permet d’éviter les obstacles liés à l’inégalité de représentation existante entre les hommes et les femmes dans les galeries.

L’artiste pochoiriste Miss.Tic, pionnière féministe de l’art urbain français qui propage à partir de 1985 ses œuvres poétiques dans les rues de Paris, est aujourd’hui une icône du mouvement. Les œuvres de Miss.Tic que nous croisons lors de nos déambulations urbaines sont aujourd’hui les vestiges d’une pratique prolifique. Un patrimoine qu’il nous faut préserver puisque l’artiste est décédée en mai 2022. 

Miss.Tic, De mes Frasques je fais des Fresques, Rue Véron Paris XVIIIe

2. L’art urbain est-il un milieu genré ? 

En tant que mouvement organisé et codifié, l’art urbain offre une certaine égalité face à la représentation de genre puisqu’il est commun d’utiliser un nom d’emprunt ou un pseudonyme, autrement appelé un blaze. Lorsqu’il est dégenré, le blaze masque le genre de l’individu derrière l’artiste. Toutefois, certains et certaines assument le genre auquel ils s’identifient. On pense notamment aux « ladies » telles que la graffeuse Lady.k, la pochoiriste Lady Bug ou encore la colleuse Demoiselle MM

Lady.k, 2021, IG : @lady.k_156 © @hermundherd

Lady Bug, Rue Alphand Paris XIIIe, septembre 2022 © IG : @ladybugnantes 

En 2012 le terme « Mademoiselle » est retiré des formulaires officiels. Jusqu’alors « Mademoiselle » sert à désigner une jeune femme qui n’est pas mariée. On l’appellera ensuite « Madame ». Le statut de la femme dépend donc de l’homme qui en est responsable, le père ou le mari. L’artiste Demoiselle MM se réapproprie ce titre de civilité controversé pour en redéfinir la narration dont chacune des « Demoiselle » raconte sa propre histoire.

Demoiselle MM, Spot 13, Paris XIIIe, IG : @demoisellemm © Marie le Palec, octobre 2022

3. La question du corps des femmes dans la rue. 

Si la nudité féminine est surreprésentée dans les écrins clos des musées et galeries, sa présence est déplacée dans l’espace public. C’est pourquoi de nombreuses artistes femmes urbaines créent aujourd’hui des œuvres qui ont pour objectif de se réapproprier leur corps. 

Intra Larue est une artiste française qui dispose des seins solitaires sertis de motifs géométriques ou végétaux colorés dans l’espace public. Si nous connaissons les seins pour fonctionner par paires, ceux de Intra Larue sont uniques et isolés. Le passant doit donc s’approcher de l’œuvre pour saisir tout à fait ce qu’il regarde, ce qui provoque instantanément une relation intime avec l’objet. Encore davantage si celui qui regarde apprend que ces bas-reliefs en plâtre furent moulés sur la poitrine de l’artiste… 

Intra Larue, Lisbonne/Paris © IG : #intralarue @sanouki ; @le_bonbon

Les collages de MarL Clito reprennent les chefs-d’œuvres de l’histoire de l’art à travers le prisme de l’organe consacré au plaisir féminin : le clitoris. Peut être est-ce là la proposition d’une relecture de l’histoire de l’art vis-à-vis des questions de genre. L’artiste nous invite à poser un regard féministe sur des œuvres produites pour le male gaze ou le regard masculin.

MarL Clito, 8 mars 2020, Paris © IG : @marsl_streetart

Wild Wonder Woman réalise de petits collages représentant des femmes nues qui prônent la diversité des corps qu’ils soient minces, opulents, poilus, lisses etc.

Wild Wonder Woman, Paris © IG : @wild_wonder_woman 

Enfin, pour ceux et celles qui prônent une conception plus fluide du genre, l’artiste Kashink produit des fresques aux couleurs vives qui dépeignent une variation inclusive de ce que l’on pourrait entendre par “masculin” et “féminin” en questionnant les codes associés aux genres. 

Kashink, fresque collaborative avec les élèves de l’école adjacente, rue Vandrezanne Paris XIIIe © Stéphanie LOMBARD, Simon HOAREAU, Guide du street art à Paris, Alternatives (coll. Arts urbains), 2018, p.33

Rédaction :

Marie le Palec

Liste des artistes : 

  • Guerrilla Girls 
  • Miss.Tic
  • Intra Larue
  • MarsL Clito 
  • Wild Wonder Woman 
  • Kashink
  • Lady K
  • Lady Bug 
  • Demoiselle MM

Bibliographie : 

BRUNEL-LAFARGUE Karen, L’art se rue, H’Artpon, 2016. 

– LOMBARD Stéphanie, HOAREAU Simon, Guide du street art à Paris, Alternatives (coll. Arts urbains), 2018.

– MULLINS Charlotte, A Little Feminist History of Art, Tate Publishing, London, 2019.

– TAPIES Xavier, Le street art au féminin, Paris, Graffito Books, 2017.